Anti-numérique

Que le numérique soit anathème : une photo prise avec un appareil numérique n'est au départ que virtuelle. Dans bien des cas, celle-ci restera prisonnière d’un support de sauvegarde, sans jamais se voir honorée d'un tirage sur papier. Ainsi, le numérique n’est que la potentialité d’une existence physique de la photographie.

Quel mépris comparé à une photographie ayant physiquement pris naissance à la surface d’un film recouvert de cristaux d'argent. Cette image, d’abord invisible à nos yeux, par la magie chimique du développement, vient miraculeusement au monde, sensiblement.

Comment comparer l’excitation suscitée par l’idée du premier regard que l’on posera sur une photographie tirée sur papier photographique, que l’on pourra prendre en main, admirer et qui pourra habiller une pièce.
Ces photographies que l’on a attendues impatiemment, des jours durant, en se demandant si telle une ne sera pas ratée au final (un piéton ayant pénétré le cadre au moment du déclenchement) ou si telle autre s’avèrera aussi parfaite que pressenti lors de la pression du déclencheur.

Les questions qui précèdent ne se posent même pas lors de l’usage d’appareils numériques : on se situe dans l’immédiateté du résultat. Dans l’aseptie d’une image dénuée de défauts, qui la rend exsangue.

Le numérique dans bien des cas, c’est la profusion issue d’une surproduction irraisonnée de prises de vues similaires en série (img0, img2, img3, img4, img5, img6, img7… img695778…). C’est également souvent l’inattention flagrante portée à la lumière, au cadrage et à la composition. Alors que la photographie consiste à scruter l’environnement afin de l’envisager différemment.

En résumé, le numérique produit une surpopulation d’images en manque d’amour qui demeure inféodée au disque dur des ordinateurs de leurs auteurs.